cour de promenade suite
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les deux autres promeneurs marchent doucement et uniquement le long des grilles qui longent le bâtiment . au départ je ne comprenais pas le pourquoi de ce circuit unique mais en regardant mieux, la réponse fut évidente . : a la recherche de mégots ! mais aussi la présence de détenus aux fenêtres . dés que l'un d'eux pointait son nez, c'était une avalanche de * t'as pas du tabac , t'as pas ducafé * . mais ce qui m'a le plus choqué c'est le troc qui se faisait afin obtenir de quoi survivre en cellule : Des comprimés de ceresta , de temesta voire du subutex , (2 ou 8mg) : tout ça contre contre un paquet de tabac à rouler , tous les jours ces trocs se faisaient aux yeux de tous y comprit des surveillants qui regardaient régulièrement à la fenêtre centrale; mais aussi à la vue des cameras de surveillance qui tournaient durant toute la journée. Des bouts de fils jetés vers l'extérieur avec des paquets accrochés à l'extrémité descendaient des cellules sur trois étages parfois et remontaient avec les médicaments en retour. Tous y trouvaient leur bonheur : un avait à fumer , à boire,l'autre de quoi se démonter la tête à coup d'anxiolytique , d' antidépresseur ou substitut à la came ; les matons fermaient les yeux : la tranquillité était assurée pour le reste de la journée ; sans ces semblant de bien être artificiels, c' étaient des cris du soir au matin ,des coups donnés dans les portes ,du chahut qui mettait une tension terrible pour le reste de la journée. Je ne sais pas ce que j'aurais fait dans le même cas de figure mais je pense que j'aurais utilisé les mêmes procédés ; aussi je ne blâme personne , surtout pas les détenus qui vivaient très mal l'enfermement .
Dans ce C D, des esprits et des êtres étaient présents partout ,du plus dur des bâtiments au plus cool ,mais cent fois plus visibles et importants que dans les centrales où je suis passé.
Ces trocs pouvaient déboucher sur de terribles bagarres voire des coups de lames (rasoir ou morceaux de miroir brisés) . Au mieux cela se terminait à l'infirmerie pour l'un et au mitard pour l'autre ; de toute façon il n'y avait que deux perdants : les détenus et un seul gagnant: la pénitentiaire. Sachant que pour 5 jours de cachot, c'est 10 jours de plus en fin de peine, les comptes sont vite fait.
Rien ne vaut le sport pour rester maitre de sa vie et de sa propre dignité en prison. Avant la fin de cette première sortie j'avais réussi à entrainer mes deux nouveaux potes à sortir en survêtement pour la promenade de l'après midi . C'est en riant, et sous les regards des autres détenus, que tous les trois nous avons fait des pompes ,durant 30mn, et presque autant en abdominaux : dès cette sortie , c'est contents de nous que nous avons rejoint les douches avant le repas du soir. Pendant des mois ,sous les moqueries (au départ puis les regards envieux après )que ces heures nous ont liées ,avec des moments d'entraide et de soutien. D'autres sont entrés dans le groupe: ,certains y ont passé de longs mois ,d'autres ont lâché très vite mais personne n'a réussi à s'intègrer à notre petit cercle. Des rires,des coups de gueule mais toujours une entraide et une belle complicité en toutes circonstances.
Je faisais le courrier pour 'JO' a sa femme , ses enfants et parfois même pour son avocat ; Michel lui faisait des dessins pour ses gosses , les anniversaires, pour les visites aux parloirs 'JO' avait toujours un petit truc en mains pour sa famille. JO lui ne pouvait pas s'empêcher de cantiner : tous les samedis nous avions droit à notre pain au chocolat ou chausson aux pommes . C'était sa façon de nous remercier et pas question de faire un achat à sa place car il se vexait et c'étaient des heures de palabre pour le faire revenir à un meilleur état d'esprit ; Un petit gars du voyage avec sa fierté et son orgueil ,un bon pote que j'ai apprécié .
Michel lui, c'était le pitre de service mais aussi le chercheur de poux dans la tête ,qui savait piquer celui-ci ou celui-là ; le nouveau dans le groupe était testé ,poussé à ses limites. Heureusement le sport a changé ce petit gars de la campagne ; après 4 mois il a entendu des choses positives sur lui et son physique qui avait bien changé : épaules plus dessinées ,sa seule réponse était < soit pas jaloux et viens avec nous ! >et c'était parti !!.ces formes de défis faites entre nous nous soudaient encore plus ; les matons eux même n'étaient plus en retard pour nous faire sortir et parfois si on trainait pour rentrer, ils fermaient les yeux et c'était avec des < alors les gars bien sués >; et c'est avec le sourire qu'on réintégrait notre cellule!! Personne ne peut aller contre l'amitié, même pas la connerie ou la méchanceté ? c'est une force qui nous a aidé et qui nait dans les moment ou l'on n'espère plus rien de personne .De notre misère nous avons fait un moteur et une force qui nous a aidée dans les pires moments . JO et Michel vont rester gravés à jamais dans ma vie car sans eux je ne suis pas sur d'avoir réussi à affronter la galère avec autant d'envie de gagner. Mais la galère n'était pas encore là!
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SYSTEME DEBROUILLE, SOURIS
Le retour en cellule est souvent le moment des découvertes des manques : pas physiques ni sentimentaux ,mais plutôt des petits riens matériel qui pèsent lourd dans une soirée ou une nuit : Plus de café ,de sucre ou de tabac, de feu, voire de timbre ou d'enveloppe et papier à lettres :alors il faut tenter sa chance auprès d'un surveillant avant l'heure de la fermeture (19h) . Avant il faut appeler un codétenu (pas trop loin si possible) , faire sa demande au maton pour tel ou tel produit , ( si possible en y mettant les formes pour éviter un refus ). .Après 19h il n'est plus question d'espérer voir une tête jusqu' à 21h , heure de la 1er ronde, puis toutes les trois heures .C'est là que les esprits inventifs sont importants et il y a des moyens totalement inattendus .
Je me souviens d'un soir ou Michel,qui n'avait plus de feu ,m'a demandé en criant (entre deux appels d'autre détenu qui faisait leur marché) < tu peux me faire passer quelques allumettes et un bout de cratoire ? > ,** ok ma gueulle j'ai ca mais je fais comment ?**.**mais de quoi parlait il avec sa souris **. Sa cellule était décalée de 6m sur ma droite, et de l'autre coté du couloir ; je ne voyais pas vraiment comment je pouvais faire mais très vite, lui, avait pris les choses en mains en demandant à ses voisins de faire suivre ' la souris ' ???.5mn plus tard un petit morceau de papier de 5cm/5cm passait sous ma porte : un bout de fil a coudre y etait attaché : Michel me dit alors << tire sur le fil je t'ai mis du café ,tu m'attaches le feu et c'est OK >> J'étais mort de rire devant ce stratagème qu'on ne ne peux trouver qu' en prison .
Par la suite j'ai eu l'idée de relier ce fil à d'autres plus petits auxquels j'avais accroché de petites pochettes plastique ,(celles qui servent pour tenir les pages en place dans les classeurs) : la souris avait alors pris la forme d'un convois : une pochette avec du café l'autre avec du sucre en poudre et même une fois avec des spaghettis ( crus bien entendu!). C' était le système au sol. Parfois la ronde arrivait et deux ou trois colis restaient sur place .Si le maton n'était pas vache il passait devant, évitant même de marcher dessus, faisant comme s'il n'avait rien vu . D'autre par contre ramassaient les colis et mettaient des rapports qui pesaient lourds en fin de mois: 1 rapport et c'était l'assurance de rester 1 mois de plus dans le quartier de discipline .Dès que le maton avait le dos tourné les souris filaient de cellules en cellules : ça passait le temps et on avait le sentiment d'être plus malin que nos gardiens!!!
Les yoyos qui courent de fenêtres en fenêtres c 'est aussi un moyen pour se faire passer des choses : chargés de petits paquets ,certains partaient d'un bout du bâtiment pour finir 60m plus loin à l'autre extrémité . Les draps avaient fait les frais de ces confections de mini cordages ; tout était bien rodé et souvent les draps étaient mis en plus dans les paquetages par les détenus qui travaillaient à la laverie ; tout était bon pour fabriquer quelques mètres de * corde * la matière première se trouvait partout :jusqu' aux ficelles des sacs poubelle tressées puis reliées entre elles selon la longueur voulue ! le tout était dissimulé : dans un pied de chaise ou de table ,les siphons des lavabos etc ...il y avait toujours une planque ou un moyen pour soustraire ce matériel des yeux des surveillants.
Le plus compliqué des système était le grappin car il fallait de l'adresse : il servait a récupérer les parachutes (colis ,paquets jetés par les détenus du bâtiment se trouvant en face ). Parfois le colis atterrissait juste sous la fenêtre du destinataire mais souvent c'était à 5mou 6m plus loin : il fallait alors fabriquer un mini grappin avec les dents d'une fourchette ou des trombones ,fixer le filin et envoyer au plus prés du colis : il fallait répéter l'opération plusieurs fois avant de réussir à ramener la marchandise à sa cellule ; mais avant tout il fallait trouer la grille qui vient doubler les barreaux : pour faire ces trous il fallait des heures de patience pour casser centimètre par centimètre les morceaux de grilles; mais la rage et la ténacité faisaient le reste . Même avec le froid j 'a vu des gars répéter les jets de grappins avec obstination et après 2h ou trois heures avoir la satisfaction de trouver la marchandise attendue . Ne jamais lâcher prise car ce n'est même plus le contenu qui motive ,c' est uniquement le fait de vaincre la difficulté qui se présente ; Se dire que malgré tout ce qui est mis en œuvre pour nous pourrir la vie, notre rage nous fait passer au dessus de tout !!! pas un seul de nos surveillants ou bourreaux ne seraient capables de résister très longtemps devant la misère qui est la notre!!! .Nous tous au B 0 ,même si l'entente n'était pas parfaite ,nous restions solidaires : c' était devenu notre force : la reconnaissance du groupe ,comme des loups enragés envers les gardiens, mais sachant reconnaître et partager avec ceux qui vivent les mêmes humiliations, les mêmes brimades . Extrèmement DUR ce B 0, mais il nous a rendu plus fort et résistant aux maux en tout genre.